Un appel au Peuple de gauche

Le Président Emmanuel Macron et le gouvernement du Premier ministre Edouard Philippe disposent à l’issue du deuxième tour des élections législatives d’une majorité. Cette majorité, nombre des battus l’ont rapidement dénoncée, mais ils ont trop tardivement cherché à la prévenir.

L’élection présidentielle a couronné Emmanuel Macron nouveau monarque de la Vème république, Roi-Jupiter et, encore dans l’après-coup, béats ou chancelants, nombreux sont nos concitoyens qui n’ont pas vu dans l’enjeu de ces législatives une raison de venir au bureau de vote par un beau dimanche de printemps. Les jeunes et les classes populaires, notamment, se sont abstenus massivement, le résultat du scrutin leur semblant joué d’avance et le sens de cette élection, perdu.

Les niveaux d’abstention auront atteint des records. La majorité présidentielle à l’Assemblée a été obtenue sur la base d’un très faible nombre de votes. Mais les alternatives à cette majorité n’ont pas mobilisé les électeurs. L’introduction d’une bien plus forte dose de proportionnelle dans le mode de scrutin a été évoquée par ceux-là même qui repoussaient il y a peu cette idée.

Jupiter régnant sur toute chose. Imagier astrologique. Institut Warburg.

C’est un fait, il n’y a pas eu d’élan, sinon pour la levée en masse de candidats La République En Marche. Une « armée de conscrits », aux parcours et qualités très inégaux. Un ensemble de députés très disparate qui pourrait être considéré comme plus représentatif de la société civile, dans sa diversité mais aussi sa médiocrité, que les cohortes rodées des partis, qui abritent dans leurs rangs sortants autant de députés méritants que de vieux crabes l’on ne regrettera pas. Est-ce réellement un miroir de la société civile et le cas échéant, est-ce juste et bon que l’Assemblée le soit… c’est un autre débat, un équilibre à trouver et une législature à observer1 avec vigilance.

Vigilance, car nous craignons la constitution d’une majorité qui ne soit qu’une force de vente convenue et obéissante pour le gouvernement d’Edouard Philippe, si sensible dans sa composition, s’agissant des ministres et de leurs cabinets, aux idées et lobbies néolibéraux.

Nous craignons fort que cette majorité, cette armée de conscrits donc, serve de « chair à canon » face aux assauts légitimes du quatrième pouvoir, empêchant la presse de jouer son rôle. Il apparaît aujourd’hui évident que le Président Macron cherche à tenir à distance et à canaliser la presse pour, derrière l’écran, aller vite.

Nous craignons enfin que la composition hétéroclite de la majorité soit mise en scène comme une prétendue diversité politique, masquant l’hégémonie des idées néolibérales.

Le troupeau LREM va-t-il évoluer en rangs serrés à l’Assemblée ? Merci aux canards de la ferme basque Arnabar, pour la figuration.

Une opposition de gauche est indispensable. Constructive certes, mais de résistance à l’avancée libérale qui s’annonce à travers cette majorité présidentielle qui en utilise déjà les éléments de langage.

Ici, nous choisissons un certain progrès et soutenons, à notre échelle, la pleine ouverture du chantier des forces politiques de gauche. Des travaux sont à effectuer, nous les avons décrits ici. Pour les mettre en œuvre, en ce début d’été, les mouvements et les personnes sont pléthore au sein d’une Gauche française fragmentée. Il manque un leadership. Nous ne voulons plus regarder dans le passé pour en trouver un, ou attendre sans fin l’homme providentiel. Et à la différence de beaucoup de nos hommes et femmes politiques, nous ne savons pas faire parler les morts.

Mais nous savons faire parler le Général de Gauche.

Alors nous sommes allés trouver notre si cher et pas-si-sage Général dans sa retraite estivale. Oui, qu’en dirait-il, lui, du comportement à tenir face à cette majorité ? Quel souffle donner à la Gauche, quel horizon ?

Extrait de De Gaulle à la plage, Jean-Yves Ferri, Editions Poisson-Pilote.

A notre question, cet excité de nature, comme l’autre Grand Charles, s’est piqué de l’une de ses crises de Juin. Yvonne n’a pu y faire, il y est allé de son appel, dans un vieux microphone à ruban, sur la terrasse et faisant aboyer les chiens. Nous n’avons bien sûr pas pu en placer une, mais dans le vacarme, voici ce que nous avons saisi.

*crrr, crrr*

Peuple de gauche !

Celles des élites qui, en quelques mois, ont créé le mouvement En Marche, ont formé un gouvernement.

Ce gouvernement, alléguant de la défaite de la Gauche française, s’est mis en rapport avec l’ennemi libéral pour cesser le combat.

Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force communicante, dynamique et convaincante, de l’ennemi.

Infiniment plus que le nombre de leurs électeurs, ce sont les appuis, l’agilité tactique, la jeunesse de La République En Marche qui nous font reculer. Ce sont les appuis, l’agilité tactique, la jeunesse d’Emmanuel Macron qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.

Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !

Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la Gauche. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.

Car la Gauche n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a de belles idées qui naissent et grandissent en elle. Elle peut faire bloc avec toutes les forces qui tiennent la rue et continuent la lutte. Elle peut, elle aussi, utiliser sans limite l’immense énergie de la jeunesse.

Cet audacieux combat n’est pas limité aux sièges malheureux de l’Assemblée nationale. Ce combat n’est pas tranché par ces élections législatives. Ce combat est de tous les terrains. Toutes les fautes, toutes les trahisons, toutes les médiocrités, n’empêchent pas qu’il y a, à gauche, tous les moyens nécessaires pour vaincre un jour vos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la marche, nous pourrons vaincre dans l’avenir par une course supérieure. Le destin de la France est là.

Moi, Général de Gauche, actuellement sur ma terrasse, j’invite les élus et militants de gauche qui s’y trouvent ou qui viendraient à s’y retrouver, avec leurs idées ou leurs volontés, j’invite les intellectuels et les sympathisants de gauche qui s’y trouvent ou qui viendraient à s’y retrouver, à se mettre en rapport les uns avec les autres. Souvenez-vous de la devise de ce beau pays qu’est la Jamaïque, « Out of many, one people ». Nous sommes la diversité, mais il n’y a qu’un peuple de gauche.

Peuple de gauche, le bordel et la chienlit servent l’ennemi libéral, il vous faudra un chef ou un guide, un meneur de jeu. Oui, vos soutiens réchauffent mon cœur, mais ce ne peut être moi. Je ne suis qu’un vieux personnage. Une femme ou un homme, jeune, doit se dresser parmi vous.

Quoi qu’il arrive, la flamme de la Gauche ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas.

De nombreuses fois encore, comme aujourd’hui, je parlerai sur C’est Quoi la Gauche.

*crrr, crrr*

1Pour aller plus loin :

Alain à ses élèves.

A C’est quoi la Gauche, Serge Armand vous recommande de relire certains des Propos d’Emile-Auguste Chartier, dit Alain. Il y aurait par exemple à picorer dans le recueil des Propos sur les pouvoirs, éléments d’éthique politique (l’édition chez Folio, collections essais, 1985). Ses écrits, notamment sur les élites et les députés de la Nation continueront d’influencer la réflexion sur nos institutions et les projections à faire pour une VIème République. Si Alain est mort en 1951, sept années avant la constitution de notre Vème République, son analyse reste précieuse.

Article écrit et propos recueillis pour l’équipe de « C’est quoi la Gauche ? » par Huchu Fuchu, veilleur vigilant.

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